Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/146

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mais je ne vous ai pas dit qu’elle eût la permission de pénétrer dans le sanctuaire, à plus forte raison, d’y faire pénétrer les autres.

Clotilde, pour avoir la paix, déclara qu’ayant des habitudes de vie solitaire elle craignait de ne pouvoir dignement répondre à l’amitié précieuse qu’on voulait bien lui offrir, ajoutant qu’à la vérité l’atelier de Gacougnol lui était ouvert, mais qu’elle n’avait le droit d’y conduire personne.

Les questions directes prirent fin. Seulement le bavardage des pécores évolua autour du peintre-sculpteur et du poète-musicien sur lequel de contradictoires jugements furent exprimés, dans l’espoir vain de surprendre la jeune femme qui s’efforça de penser à autre chose et, ce jour-là, comprit un peu mieux la force inégalable du silence.

Les convives durent s’avouer qu’elles ne « liraient pas plus avant » dans cette âme, et Mademoiselle Séchoir elle-même fut légèrement désarçonnée par la précision coupante et la fermeté singulière d’une personne qu’elle aurait crue si timide !…

Ce repas fut pour Clotilde un second avertissement de se tenir sur ses gardes avec le plus grand soin et de défendre l’inestimable trésor de sa merci contre les entraînements possibles de son imagination vers des étrangers ou des étrangères qui ne seraient pas évidemment, — comme ce peintre qu’on osait juger devant elle, — les ministres plénipotentiaires de son destin.

Elle quitta la table aussitôt que possible et courut à sa