Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Hé ! hé ! c’est un point de vue. On aurait acheté des pots de chambre et des astringents au lieu de se ruiner en canons. C’eût été une sorte de patriotisme, moins héroïque peut-être, mais plus éclairé. Puis, nous n’aurions pas cette occasion nouvelle de dévoiement que nous procure la seule idée d’une revanche.

— Le patriotisme ! reprit Folantin qui était décidément en verve, encore une bien bonne blague lyrique ! C’est — comme l’or des blés que j’ai toujours vus couleur de rouille et de pissat d’âne, ou encore comme les abeilles du doux Virgile, ces « chastes buveuses de rosée » qui se posent quelquefois, dit-on, sur des charognes ou des excréments, — une vieille panne romantique rapetassée par les rimailleurs et les romanciers de l’heure actuelle !

Voulez-vous le connaître, mon patriotisme ? Eh bien ! je suis si loin de gémir sur l’Alsace et la Lorraine perdues, que je déplore de ne pas voir les Prussiens à Saint-Denis ou au Grand Montrouge, où je pourrais, sans déplacement coûteux, boire de la bière allemande — en Allemagne.

Druide et Marchenoir se préparaient, du même élan, à relever l’ignominieuse boutade, lorsque Léopold, d’un geste, les arrêta.

— Monsieur Folantin, déclara-t-il, vous me désarmez. Quand je vous ai dit, il y a quelques minutes, que vous ne me paraissiez pas explorateur, comme je vous aurais dit n’importe quoi, j’avoue que j’étais un peu excité par vos biftecks. Je voulais vous faire jaillir de votre écaille. Mais,