qu’elle s’exténuait en ville, car elle rentrait ordinairement fort tard et souvent même ne rentrait pas du tout.
La pauvre enfant grandissait comme elle pouvait dans une crainte horrible de sa mère, qui la contraignait quelquefois à passer la nuit pour l’attendre, ayant besoin, disait-elle, de trouver au logis des preuves d’affection et de dévouement, après une journée saintement accomplie dans le travail.
Cette petite fille, qui devint ainsi, peu à peu, une jeune fille et même une femme, bien que mal nourrie et plus mal vêtue, conserva longtemps une tremblante admiration pour sa mère, qui ne la battait pas trop, qui l’embrassait même, de loin en loin, dans des jours de crise maternelle et dont la mise, inquiétante pour une ouvrière, l’étonnait.
Elle croyait naïvement à la réalité des insondables souffrances de cette sacrilège farceuse qui la conduisait une fois par an sur la tombe de son père mort « sans repentir » et lui racontait, avec la voix des saintes veuves agonisantes, le châtiment rigoureux de cet impie qui avait méconnu et brisé son cœur.
La lumière vint plus tard, extrêmement tard, lorsque, travaillant elle-même d’une façon très réelle et très dure, et nourrissant à peu près sa mère qui commençait probablement à dégoûter le trottoir, elle la vit, lâchant tout à coup ses airs augustes, devenir la femelle et la concubine attitrée du sinistre voyou dont le seul aspect l’emplissait d’horreur.
La veuve Maréchal ainsi transformée en femme Chapuis,