Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeté un million aux déserts d’Afrique, passa vingt jours et autant de nuits près du lit de sa femme, presque sans sommeil et sans nourriture ; partagé entre les soins à donner à la malade et l’épouvantable souci des expédients à imaginer pour que rien ne lui manquât ; percevant, avec une précision terrible, du fond des ondes où il s’abîmait, la brigande clameur du dehors, et tenté, combien de fois ! de s’élancer en exterminateur sur cette racaille.

Le dévouement de Joly sauva ces deux êtres si cruellement aimés de Dieu. L’excellent homme fit pour Léopold des démarches, des courses infinies et partagea souvent avec lui l’écrasante fatigue des veilles. Il inventa des ressources, des combinaisons lunaires, des crédits invraisemblables, parut frapper de la monnaie à son propre coin. On ne voyait plus que lui dans les bureaux du Mont-de-Piété. La Providence elle-même n’aurait pu mieux faire. Pendant un de ses accès, Clotilde vit ce front chauve parmi les enfants que Jésus voulait qu’on laissât venir à lui.

Un soir, que la très-chère avait pu s’endormir, malgré les cris habituels qu’elle finissait par ne plus entendre, Léopold, laissant la garde de la maison à l’ami fidèle, était sorti pour une démarche importante qu’il ne pouvait confier à personne.

Un peu avant d’atteindre les fortifications, bien qu’il marchât d’un pas très rapide et que son attention ne fût sollicitée par aucun objet extérieur, tout à coup il avait reçu par les yeux une commotion qui l’arrêta net. L’huissier Poulot était devant lui.