Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/356

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La nuit tombait et le lieu était parfaitement solitaire. Le rosser d’une manière atroce eût été, pour l’opprimé si voisin du désespoir, une joie facile, et telle avait été sa première pensée. Mais il avait eu assez d’empire sur lui-même pour se rappeler qu’il s’agissait d’un chacal de police correctionnelle et que la vengeance du misérable pourrait coûter définitivement la vie à Clotilde, en la privant tout à fait de sa présence et de ses soins pour un temps indéterminé. Étouffant donc sa colère par un effort dont il avait cru mourir, il s’était approché du bélître et, d’une voix un peu tremblante :

— Monsieur Poulot, avait-il dit, je crois inutile de vous faire observer que nous sommes très-seuls et qu’il ne tiendrait qu’à moi de vous casser les reins si c’était mon bon plaisir. Par conséquent, vous allez m’écouter silencieusement et avec respect, n’est-ce pas ? Quelques mots suffiront. Je n’ai pas coutume de faire de longs discours à des gens de votre sorte. Vous savez ce qui se passe chez vous, je suppose. Vous n’ignorez pas que le péril de mort d’une personne que je ne vous ferai pas l’honneur de nommer est l’œuvre de votre ivrognesse de femme. Voici donc l’avis que je vous donne pour la première et dernière fois en vous engageant à le méditer. Si la personne dont je parle venait à succomber, vous m’entendez bien ? Monsieur Poulot, j’estimerais que je n’ai plus rien à perdre en ce monde et je vous jure que vous seriez plus en danger, vous et votre femelle, que si la foudre tombait sur votre maison !…