Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/364

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désarmé, l’avait aux trois quarts détruit. Rappelez-vous ses inconcevables absences, l’impossibilité de fixer son attention quand il parlait à ses fantômes, la seule réalité pour lui. Je n’ai connu que Marchenoir qui pût, quelquefois, dompter, un instant, sa chimère, et encore !

Puis, faites-y bien attention, Folantin est un dénicheur de merles très subtil qui sut arriver au bon moment. Il s’empara d’abord d’un pauvre garçon très dévoué à L’Isle-de-France et qui le voyait sans cesse. Celui-là, criminel sans le savoir, mit une si niaise persévérance à lui vanter les qualités d’âme du peinturier, tout en faisant le meilleur marché possible de ses ridicules ou de ses infirmités d’esprit, que Bohémond finit par craindre de s’être trompé sur le personnage et consentit à le bienvenir. Folantin, qui n’est pas avare, sut déployer un tact infini pour lui faire accepter des services d’argent, dont il savait que le besoin était fort pressant, n’attendant pas que le malheureux rêveur avouât ou trahît son embarras, dépassant même le désir secret de ce pauvre, avec une bonhomie, une rondeur parfaites. Le moyen était infaillible et réussit au delà de toute espérance.

Bref, abusant de la double détresse, physique et intellectuelle, de sa victime dont il paraissait être le bienfaiteur, il parvint — à l’instar d’une maîtresse basse et jalouse, — à éloigner tous les amis anciens, quoi qu’ils pussent faire, et réussit, Dieu sait par quelles pratiques de mensonges et de perfidies ! à lui en inspirer l’horreur. C’est par la volonté formelle de Bohémond que je n’ai pu arriver jusqu’à lui.