mère qui ne demanda pas d’explication et qui lui laissa même un peu plus de liberté qu’auparavant, jusqu’au jour où, ne voyant décidément pas affluer de nouveaux trésors, elle redevint la duègne farouche et lui déclara qu’elle était trop « sotte » pour qu’on lui permît de s’exposer aux séductions et aux aventures. L’innocente fille ne connaissait pas alors cette horrible vieille, ainsi qu’on l’a fait observer, et ne devait sentir que plus tard l’abomination de ses calculs.
Tout le passé remontait ainsi dans sa mémoire, pendant cette insomnie douloureuse. Elle avait à peine seize ans à l’époque du Missionnaire et, depuis, qu’était-elle devenue, grand Dieu !
Elle qui avait cru sangloter dans les bras des anges et à qui le Seigneur même voulut envoyer un messager, dans quel abîme de profanation n’était-elle pas descendue ! Elle n’arrivait pas à comprendre cette chute affreuse. N’aurait-elle donc pu, s’appuyant sur la prière, sur les sacrements, sur tous les pilastres des lieux saints où le Sauveur agonise, échapper à cette infâme espérance de bonheur terrestre qui l’avait si férocement déçue ?…
Car les faits sont inexorables, ils ne connaissent point la pitié, et l’oubli même, — si on pouvait l’obtenir, — est sans pouvoir pour anéantir leur témoignage accablant…
— Toute la puissance des cieux ne pourrait faire que je n’aie pas appartenu volontairement à cet homme et que je ne sois pas souillée de lui jusque dans la mort ! Ô mon Dieu ! mon Dieu !