Aller au contenu

Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

par exemple, ne pouvaient leur échapper, et, quelle que fût leur vigilance à ne rien laisser sortir de leurs impressions douloureuses, il ne fut pas possible d’écarter, tout d’abord, une visible gêne que Leverdier se hâta de rompre en annonçant à la simple fille la résolution toute fraîche éclose de Marchenoir.

— Vous savez, dit-il, que notre ami arrive de la Chartreuse en justicier plus redoutable que jamais. Il veut débuter au Basile par un massacre général d’empoisonneurs et par une pendaison en masse d’incendiaires.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-elle, toujours des violences ? Et c’est vous, sans doute, monsieur Leverdier, qui l’embarquez dans cette nouvelle aventure ? Savez-vous, mauvais homme, que vous finirez par être un ami des plus funestes ? Certainement, je n’ai rien de ce qu’il faudrait pour vous juger l’un ou l’autre, et je suis persuadée que mon Joseph n’a rien en vue que la justice. Mais comment voulez-vous que je ne tremble pas, quand je le vois seul contre tous ?

Marchenoir, qui avait élu pour contenance de décortiquer laborieusement et silencieusement une patte de homard, intervint alors :

— Ma chère Véronique, épargnez, je vous prie, ce pauvre Georges, qui ne mérite, je vous assure, aucun reproche. Il a trouvé l’occasion de me rendre service, une fois de plus, en négociant, à ma place, avec un homme assez méprisable, mais tout-puissant, ma rentrée au Basile, et il s’est donné, comme toujours, beaucoup de mal. J’eusse été, je l’avoue, bien incapable de conditionner moi-même cet ar-