Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/324

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martin ou de Charles de Bernard. Quelques-uns prétendent abusivement qu’il procède du Maître de Forges. Il est bien trop anémique et frêle, pour qu’on le compare à ce Crotoniate, à cet Hercule Farnèse, à ce Colosse Rhodien de l’imbécillité française. Il en est à peine le Narcisse et n’aurait pas même l’énergie de se noyer dans son image.

Mais voilà justement ce qui le rend si précieux aux sentimentales âmes dont il encourage les transports, — sans obérer son propre cœur. Car il ne se risque pas au hasardeux négoce des grandes passions. Il borne ses vœux à l’humble trafic des émollients et des préservatifs. C’est un modeste bandagiste pour les hernies inguinales ou scrotales de l’amour.

Il continue donc la série des romanciers de confiance de la société correcte, pour laquelle Chaudesaigues a trop d’originalité, Vaudoré trop de sentiment, et le bélître Ohnet trop de profondeur. Dulaurier, seul, pourrait lui porter ombrage. Mais l’auteur de Péché d’amour est un poulain de trop peu de manège, dont on n’est pas encore assez sûr. Demain, peut-être, il va tout casser, tandis qu’on est bien tranquille avec cette honnête rosse, qui n’a jamais renâclé, et qu’un strabisme, heureusement convergent, permet de gouverner sans œillères.

En conséquence, les personnes vertueuses qu’il a pudiquement lubrifiées de son imagination, pendant leur vie, se souviennent de lui à l’heure de la mort et le consignent dans leur testament. L’heureux Loriot est le seul romancier qui couche dans des châteaux légués par l’admiration.

Le groupe, dont ce propriétaire faisait partie, se