Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette agitation ayant duré près d’une demi-heure, il retomba enfin, comme une masse de chair souffrante écrasée et la vieille goujate n’entendit plus rien qu’un sifflement.

Elle ralluma, en tremblant, la bougie éteinte qui avait roulé par terre, à côté d’elle, et trembla bien plus, quand elle vit, dans sa réginale horreur, l’épouvantable simagrée du Trismus des tétaniques !

Rapidement, elle rejeta les couvertures sur le corps rompu de l’agonisant et courut chez le médecin. Ce personnage, ami ancien de Leverdier, et qui, pour cette raison, faisait crédit à Marchenoir de sa science et de ses pansements, trouva son client dans l’état où la garde l’avait laissé. À cet aspect, il haussa les épaules en souriant, rajusta précairement les bandages, parut donner une ordonnance, fit entendre quelques paroles vaines tendant à démontrer au mourant qu’il méprisait les signes manifestes de sa fin prochaine, comme de nuls symptômes, et, se retirant, dit à la commère qui le reconduisait :

— Ma chère dame, il n’y a plus rien à faire. Notre malade n’ira pas jusqu’à demain. Il était déjà perdu. La moitié des côtes fracturées, un poumon en charpie et, maintenant, le tétanos traumatique, c’est complet. Il a dû prendre froid hier, ou avant-hier…

C’était vrai. Le malade était resté à peu près sans feu, comme il convient aux agonisants privés de monnaie.

Mais il s’était passé une chose affreuse pendant la visite. Marchenoir avait regardé le guérisseur avec des yeux fous, dont celui-ci se souvint plus tard.