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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/366

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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

santir sur ses effets, ni remonter franchement à sa cause, l’opinion publique jugea cet événement et avoua qu’il était une punition.

« Ce châtiment comprit à la fois tous les ennemis du Serviteur de Dieu à Hispaniola : ceux qui avaient entravé son administration, les ingrats qui s’étaient soulevés contre lui, l’homme assez brutalement impie pour l’avoir osé jeter dans les fers, les arrogants hidalgos, cadets enrichis aux dépens de la vie des malheureux Indiens, les officiers de mer, la plupart ses élèves, qui avaient dédaigné son avertissement, les habitants dont l’approbation fut complice de la dureté du gouverneur Ovando. Espagnols, indigènes, marins, soldats, colons et colonie, tous subirent les conséquences de leur aveuglement.

« Christophe Colomb est préservé d’une façon doublement étonnante ; car, contrairement aux usages de la nautique, il se tient près de terre, au lieu de gagner le large. Son mouillage est si peu sûr que les trois autres caravelles sont arrachées de leur ancrage et dispersées dans l’immensité des eaux. Elles souffrent de graves avaries. Son navire reste seul respecté de l’ouragan et, suivant l’expression de l’Amiral, « n’est pas endommagé d’une paille[1] ».

« La graduation dans le châtiment porte une évidence accablante pour les incrédules.

« Toutes les caravelles encombrées de richesses iniques sont détruites sans rémission. Il n’est fait grâce à aucune.

« Quant aux navires de Rodrigo de Bastidas, portant les gens les plus pauvres et les moins coupables, ils perdent simplement leurs agrès ; les membrures ne sont pas défoncées ; les équipages ont la vie sauve. Ces nefs peuvent rentrer à Saint-Domingue et s’y réparer.

« De tous les bâtiments de la flotte, il n’est permis qu’à

  1. « No hubo daño de una paja. » — Lettre aux Rois Catholiques écrite de La Jamaïque, Le 7 juillet 1503.