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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/84

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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

et certes, il paraît difficile de l’être plus que le fameux pèlerin-mendiant, devenu acceptable aujourd’hui parce que l’Église a parlé et qu’il y a cent ans qu’il est mort, mais qui passa sa vie, ainsi que le Curé d’Ars, à recevoir les leçons et les réprimandes d’une foule d’hommes sages et modérés dont la piété était insigne, sans le moindre alliage de singularité.

Toutes les fois que Dieu veut faire un très grand saint, il fait comme pour Job. Il commence par lui envoyer les petites et faciles épreuves, telles que les voleurs, le feu, la tempête, la ruine, le deuil, l’abandon, la nudité, l’insulte, le fumier et les plus horribles ulcères. Jusque-là, rien ne dépasse la commune mesure des forces humaines et le Diable seul a été déchalné. Mais si ces épreuves préliminaires ont été supportées avec constance ; si le sujet n’a point péché par ses lèvres. alors Dieu donne le coup suprême et définitif qui frappe l’homme comme une monnaie d’or à son effigie et qui fait ressembler à des caresses voluptueuses tout ce qui a précédé. Il fait simplement intervenir quelques hommes pieux, exempts de singularité et prodigues de sages conseils.

Christophe Colomb, plus étonnant que saint Laurent, endura ce gril pendant dix-huit ans avant sa première expédition et, depuis la Découverte jusqu’au moment de sa mort, il ne connut d’autre adoucissement que d’y ètre retourné par des mains implacablement vertueuses[1].

  1. Je ne résiste pas au plaisir de reproduire ici une page curieuse d’un des écrivains les plus singuliers et les plus éloquents de ce siècle. Cette page a pour titre : Lettre qu’un docteur, homme très sérieux, dut écrire à Christophe Colomb au moment où celui-ci s’embarquant pour l’Amérique. — « J’apprends, mon jeune ami