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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/86

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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

de leur pasteur près de défaillir ? La discipline de l’Église ne saurait être offensée d’une respectueuse hardiesse de langage et l’histoire des saints évèques fourmille d’exemples de cette charitable audace dont leur humilité sut profiter et qui fut pour eux l’occasion d’un redoublement de sollicitude.

Dans la troisième partie de cet ouvrage, qui traitera de quelques obstacles suscités à l’introduction de la Cause de Christophe Colomb, j’aurai trop d’occasions

    « À cela vous avez déjà répondu qu’il y a là-bas des hommes qui sont vos frères avec qui vous voulez uair l’ancien continent.

    « Je sais par cœur toutes vos grandes phrases. Vous pensez, n’est-ce pas ? que quand vous aurez traversé l’Océan qui essaye de séparer les mondes, vous planterez la Croix sur La terre nouvelle.

    « Ce sont là, mon enfant, des paroles creuses ; permettez à un homme plus agé que vous, de vous le faire observer. Vous savez que j’aime les arts, et que je respecte la religion, mais je n’aime pasles saints et les hommes de génie : les uns et les autres vont trop loin, ils exagtrent continuellement. L’Europe en a déjà fourni assez et même trop : ils ne sont bons qu’à agiter le monde. Quelle folie d’aller là-bas, au risque de vous casser le cou, grossir le nombre des rêveurs ! Prenez garde, mon enfant, vous allez devenir ridicule. Croyez à la sincère affection qui me dicte les paroles que je vous adresse. Je ne puis vous cacher le regret que j’éprouve quand je vois perdu, dans les songes creux d’un orgueil insensé, un jeune homme pour qui je me plaisais à rêver un meilleur avenir.

    « Oui, mon enfant, j’ai le cœur navré, quaud je vois que vous allez de porte en porte mendier des secours qu’on vous refuse. Qu’avez-vous fait de votre dignité ? L’honneur de votre famille a été sans tache jusqu’à ce jour. N’avez-vous donc plus d’amour-propre ?

    « L’amour-propre, mon enfant, c’est le gardien de la digaité, et pour un homme bien né, la dignité est ce qu’il y a de plus précieur. Sans doute, (car je ne veux rien exagérer,) il ne faut pas avoir trop d’amour-propre, l’excès en tout est un défaut, mais il faut en avoir un peu, et, si vous continuez, vous me ferez croire que vous n’en avez plus ; prenez, parmi nous, quelques-unes de ces fonctions honorables que votre jeune intelligence, vous rendrait capable de bien remplir : ainsi vous ne contristergz plus vos amis. Autour de vous nous serons ious d’accord ; nous encouragerons vos essais, et nous tuerons le veau gras, en voysnt revenir l’enfant prodigue. » Ernest Hello, — Les Plateaux de la Balancep. 373.