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Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/128

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avaient fait de l’Évangile grand ouvert et planté debout, une haute muraille d’airain pour protéger leur plaisir et cette muraille, devenue rouge, est tombée sur elles. Il a fallu des pelles et des tombereaux pour les mettre au lit. Leçons bien inutiles pour les autres et nullement profitables aux indigents qui continueront à être secourus de la sorte jusqu’au Jour de Dieu.

J’imagine que ce jour commencera par une aube d’une douceur infinie. Les larmes de tous ceux qui souffrent ou qui ont souffert auront tombé toute la nuit, aussi pures que la rosée du premier printemps de l’Éden. Puis, le soleil se lèvera comme une Vierge pâle de Byzance dans sa mosaïque d’or, et la terre se réveillera toute parfumée. Les hommes, ivres de délices et réconfortés puissamment, s’étonneront de ce renouveau du Jardin de volupté et se dresseront parmi les fleurs en chantant des choses profanes qui les rempliront d’extase. Les infirmes eux-mêmes et les putréfiés vivants auront l’illusion des désirs de l’adolescence. Agitée du pressentiment d’une Venue indicible, la nature se vêtira de ses accoutrements les