Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/208

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Son vagabondage perpétuel, vraiment hébreu, l’y prédisposait.

Sous le règne d’Alexandre III et de son ministre Ignatief, la situation des Juifs en Russie ne fut plus tenable. Outragés, chassés massacrés, le sauvage empire leur était devenu un enfer. Rosenfeld prit en main le bâton de la vie errante et partit.

« Pendant quatre ans », dit un de ses admirateurs[1], « les vents le chassèrent d’un lieu à l’autre ; pendant quatre ans, chaque flot de la misère l’engloutissait et le rejetait ensuite pour le laisser à la merci d’un autre flot ; pendant quatre ans il fut secoué par une sorte de fièvre qui n’existe que chez le peuple juif, la recherche d’un foyer. Cette impitoyable fièvre qui, depuis vingt siècles, ne laisse pas de repos aux enfants d’Israël ; cette vie de chien vagabond, sans droits et sans estime, sans pays et sans espoir, marchant, marchant toujours, de l’Orient à l’Occident et du Nord au Midi, franchissant des montagnes et traversant des

  1. Fainsilber-Rusu. Conférence au groupe des étudiants sionistes de Montpellier. Juin 1906.