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Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/209

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Océans priant et criant, pleurant et luttant, cette vie ignoble et inique, on peut dire que notre poète l’a bien connue. »

Dans son ode Sur le sein de l’Océan, deux Juifs à qui on a refusé l’entrée de l’Amérique retournent en Europe :


Qui êtes-vous, malheureux, dites-moi,
Vous qui pouvez imposer silence à la plus terrible détresse,
Vous qui n’avez ni sanglots ni larmes
Aux portes même de l’affreuse Mort ?

. . . . . . . . . . . . . .

— Nous avions un logis, mais on l’a détruit,

On a brûlé ce qui nous était le plus sacré ;
On a fait, des plus chéris et des meilleurs, des monceaux d’ossements.
Les autres ont été emmenés, les mains liées.

. . . . . . . . . . . . . . . . .

Nous sommes Juifs, des Juifs déshérités,

Sans amis et sans joie, sans espoir de bonheur.

. . . . . . . . . . . . . . . . .

Nous sommes des misérables semblables à des pierres,

La terre ingrate refuse de nous accorder une place,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Que le vent souffle et fasse rage, qu’il hurle avec fureur,

Que bouillonne, écume et rougisse l’abîme,
Quoiqu’il arrive, nous sommes des Juifs abandonnés.


Si les Juifs sont dignes d’un tel poète, ils lui pardonneront d’avoir souvent pleuré sur d’autres qu’eux-mêmes. Au delà de l’infortune