Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/211

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Un rêve agite les petites lèvres.
— Oh ! où est donc, où donc est papa ?
Je reste là, plein de détresse, de douleur
Et d’amertume, et je songe :
— Quand tu t’éveillerais au jour, enfant,
Tu ne me trouveras plus là.


Un jour, enfin, le poète, ayant été remarqué, quitta la fabrique et des protecteurs étranges lui offrirent le pire métier de journaliste qui lui devint presque aussitôt intolérable : « — Oh ! rouvrez les portes de l’atelier. J’y supporterai tout. — Suce mon sang, fabrique, oh ! suce mon sang ! Je ne pleurerai qu’à moitié. Je ferai mon lourd travail. Je le ferai sans protester. — Je peux louer mes ciseaux. Mais ma plume ne doit appartenir qu’à moi ».

Sa plume ! Est-ce bien là le mot qu’il faut écrire ? À tout moment le tailleur Rosenfeld me fait penser à ces tailleurs d’images d’il y a si longtemps, à ces artistes barbares, puérils et sublimes, qui ne savaient rien d’aucune science ni d’aucun art, n’ayant jamais reçu les leçons d’un autre maître que leur souffrance et travaillant comme ils pouvaient, avec de