Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/37

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avoir domptées. L’Espagne seule tout entière a surnagé comme un énorme brisant, mais combien triste et lunaire pour son châtiment d’avoir été l’égorgeuse du grand empereur ! Il n’y a plus rien à conquérir, ô mon capitaine qui ne voulais pas qu’il y eût des mendiants. On ne sait même pas s’il reste encore quelques pauvres et, s’il y a des riches, ils ont, maintenant, leurs vraies figures, de démons. C’est fini de ta vieille garde et de ta grande armée dont les sépulcres même sont descendus dans l’abîme avec les champs de bataille et les royaumes disputés. C’est fini de ta gloire et de ta mémoire, C’est fini de tout, excepté de Dieu, parce qu’il est le Pauvre éternel.

Si quelques solitaires malheureux se souviennent de toi encore, c’est parce que tu fus toi-même, à ta manière, le plus grand des pauvres, tu mendiais l’empire du monde et on te l’a refusé. En ce sens les Paroles sacrées du Juge te sont applicables, applicables à toi seul, ô infortuné sans pareil :

— J’ai eu faim de toute la terre et vous ne me l’avez pas donnée à manger ; j’ai eu soif de