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le dernier poète catholique

celui qui est logé sous la terre, au-dessous des abominables pieds de ses juges et qui a besoin d’être consolé.

Le vieux corps de cette mère n’a plus de mamelles, mais il lui reste d’allaiter de son âme son pauvre enfant, qu’il soit un poète ou un assassin. Et ce geste de compassion surnaturelle fait chavirer toutes les Balances…

Jehan Rictus écrivant la Farandole a été, dans la pitié pour les Innocents, aussi loin qu’on puisse aller. L’effet de cette complainte est foudroyant. Mais, dans la Jasante, il paraît avoir eu la vision d’un deuil plus grand, incommensurable, le deuil des mères qui ont vu mourir leur enfant-Dieu dans l’ignominie et dont la plainte est répercutée au fond du gouffre par le gémissement inaudible des défunts.

Le secret de sa puissance de poète qui est énorme ne serait-il pas dans l’obsession simultanée de ces deux misères presque infinies : l’enfant sans sa mère et la mère sans son enfant ? Tout le mal de ce monde est assurément con-