Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
sueur de sang

Ainsi finit cette aventure, dont l’importance anecdotique est peut-être contestable, mais que les vivants esprits, respectueux d’un si grand défunt, liront sans doute avec intérêt.

Très peu durent la connaître, car Barbey d’Aurevilly, je crois l’avoir dit, ne parlait jamais de 1870 et détestait qu’on en parlât. Exceptionnellement, aux approches de ses derniers jours, j’eus l’honneur de recevoir quelques-unes de ses confidences, et je crois être le seul aujourd’hui, puisque, — à l’exception de l’octogénaire comte Roselly de Lorgues, — tous ceux qu’il aima dans sa longue et forte vie sont couchés depuis quelque temps déjà sous la terre.

Un tel récit, dont la place était naturellement parmi les souvenirs ou les impressions que j’offre ici, exigeait une transcription très fidèle et je l’ai réalisée comme j’ai pu. Ah ! oui, sans doute, comme j’ai pu. Mais il aurait fallu l’entendre lui-même, le vieux Barbey, et surtout le voir, « sa poitrine de volcan soulevée, passant du pâle à un pâle plus profond, le front labouré de houles de rides, — comme la mer dans l’ouragan de sa colère, — les pupilles jaillissant de leur cornée, comme pour frapper ceux à qui il parlait, — deux balles flamboyantes ! Il fallait le voir haletant, palpitant, l’haleine courte, la voix plus pathétique à mesure qu’elle se brisait davantage, l’ironie faisant trem-