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Page:Blum - En lisant, 1906.djvu/24

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chose soit parce que cette chose serait juste »... On peut relire : on ne s’est pas trompé, et ma citation est exacte. Quand le petit Philippe est dressé à la guerre de revanche, ou plutôt quand son père précise en lui, par des spectacles appropriés, la volonté atavique et héréditaire de reprendre la Lorraine et l’Alsace, ce n’est donc pas parce que cette guerre serait juste, ce n’est pas parce que le droit fut jadis violé par la victoire. Le droit est une notion toute rationnelle, et cela n’entre pas, comme on a vu, dans l’éducation du jeune Philippe. On ne lui a pas enseigné le droit des peuples, ou le droit des individus, qui ne s’en distingue pas. Et la justice est une idée d’esclaves que l’honneur des maîtres doit ignorer. Pendant que nous pourrirons dans notre ergastule, — où nous tâcherons de nous consoler en reconnaissant, parmi nos compagnons de chaîne, ce que l’humanité a produit de plus noble dans toutes les races et dans tous les temps, — le jeune Philippe ira donc, tout simplement, entendre les musiques militaires, humer l’odeur des champs de bataille, s’habituer à ce que l’idée de revanche peut avoir de plus matériel, de plus violent et de plus brutal. On lui contera, sur la foi d’un habitant de Wœrth, qu’au soir de la bataille un officier allemand cracha au visage d’un Français défait et prisonnier et que la marque en est encore, à lui Philippe, sur sa joue...

La haine, le mépris, la volonté de redevenir les plus forts par la violence physique, la certitude que la victoire définitive est due à la supériorité, à