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Page:Blum - En lisant, 1906.djvu/25

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la primauté de notre race, voilà donc dans quels excès tombe finalement M. Barrès ! Et pourquoi faut-il que le souci de rester apparemment d’accord avec lui-même l’ait induit à troubler jusqu’à la délicatesse exquise de ce livre, qu’il était si facile de préserver ? Nous découvrons ici la forme extrême de la doctrine que M. Barrès avait exposée pour la première fois dans ses Déracinés, et il est visible qu’elle tombe dans des contradictions plus vives, plus choquantes, qu’à aucun point de son développement. Ce débat a déjà rempli des volumes : pour ma part je n’y ajouterai plus rien. Je sens trop bien, et plus clairement que jamais, que M. Barrès n’a conçu cette philosophie politique que par une sorte d’instinct de conservation individuelle, et qu’elle est plutôt un remède pour sa sensibilité qu’une conviction de son intelligence. Trop longtemps nous l’avons vu promener à travers le monde une inquiétude exaltée, un appel pathétique vers le bonheur, vers le repos du cœur et la plénitude de la vie. On se rappelle sa déclamation désolée sur le quai silencieux de Venise. Les Amitiés françaises s’achèvent par une sorte d’examen de conscience où l'on trouvera une cantilène, une mélopée du même accent : « Musiques enchanteresses ! Jaillissantes évocations ! Parfois on voudrait mourir pour ne plus entendre ces promesses de bonheur !... La vie n’a pas de sens. Je crois même que chaque jour elle devient plus absurde... De quelque point qu’on les considère, l’univers et notre existence sont des tumultes insen-