Page:Blum - L’Exercice du pouvoir, 1937.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rai pas, bien entendu, vous dire ici plus que je ne pourrais dire ailleurs. Comme militant, il n’y a pas une seule de mes pensées que j’entende aujourd’hui dissimuler.

Et d’abord, je vais vous poser une question que chacun de vous pourrait se poser à lui-même. Est-ce qu’il y a ici un seul homme, en accord ou en désaccord avec moi sur la question que je vais traiter, qui croie que j’ai changé depuis trois mois ?

Trois mois d’exercice du pouvoir auraient-ils fait de moi un homme autre que celui que vous connaissez depuis tant d’années ? Car, il y a trois mois aujourd’hui même que nous nous sommes présentés devant les Chambres. Et je vous assure que ces trois mois me paraissent à moi, en ce moment, aussi longs que je ne sais combien d’années, non pas peut-être seulement par l’œuvre accomplie, mais parce que cette suite de jours sans répit et de nuits sans sommeil font trouver la course du temps étrangement lente.

Vous savez bien que je n’ai pas changé et que je suis toujours le même. Est-ce que vous croyez qu’il y ait un seul de vos sentiments que je ne comprenne pas et que je n’éprouve pas ?

Vous avez entendu l’autre soir, au Vélodrome d’Hiver, les délégués du Front Populaire espagnol ; je les avais vus le matin même. Croyez-vous que je les aie entendus avec moins d’émotion que vous ?

Quand je lisais comme vous dans les dépêches le récit de la prise d’Irun et de l’agonie des derniers miliciens, croyez-vous par hasard que mon cœur n’était pas moins déchiré que le vôtre ? Et, est-ce que vous croyez, d’autre part, que j’aie été subitement destitué de toute intelligence, de toute faculté de réflexion et de prévision, de tout don de peser dans leurs rapports et dans leurs conséquences les événements auxquels j’assiste ?

Vous ne croyez rien de tout cela, n’est-ce pas ? Alors, si j’ai agi comme j’ai agi, si j’agis encore