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Écoutez maintenant le témoignage d’un ami : « Ceux qui l’ont bassement calomnié, a écrit Léon Jouhaux, se souviennent-ils de l’immense service que Roger Salengro contribua à rendre à son pays en ces jours difficiles ? La révolte grondait dans les quartiers ouvriers, les usines étaient occupées. Chaque heure ajoutait de nouveaux contingents de grévistes à ceux déjà dans l’action. Il fallait agir… Roger Salengro remplit ce jour-là et cette nuit-là, noblement, humainement, son rôle de ministre de l’intérieur, responsable de l’ordre public, sans oublier qu’il était un militant, défenseur de ceux qui réclamaient plus de justice… »

Le jour et la nuit dont parle ainsi Jouhaux, ce sont le jour et la nuit de l’accord Matignon dont Roger Salengro fut en effet l’artisan principal, qu’il mena jusqu’à son terme à force de clairvoyance, de patience et de fermeté. Je me rappelle d’autres jours et d’autres nuits consacrés à ces grands et laborieux arbitrages, dont les premiers se placent au lendemain de l’accord Matignon, dont les plus récents s’achevaient il y a bien peu de semaines.

Chaque époque nouvelle de l’histoire engendre les institutions et forme les hommes qui sont ses organes. Roger Salengro aura été l’interprète exact et l’instrument fidèle d’une époque nouvelle et même unique par ses caractères, où la démocratie cherche à tirer d’elle-même, dans la concorde et dans la paix, le renouvellement des rapports sociaux et des conditions humaines.

Il se donna à cet effort sans répit, sans ménagement, sans précaution. Sa santé, cependant n’était pas robuste. Son cœur était lésé. Son médecin lui répétait « Du repos, du repos… Sans quoi je ne vous en donne pas jusqu’à la fin de l’hiver. »

Mais il n’a été tué ni par le surmenage, ni par