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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

mères ; j’en fais aujourd’hui la triste expérience. Mon pauvre Henri s’est mis à imiter les autres, à se fatiguer l’esprit pour inventer des sous-entendus joliment trouvés et maladroitement dits qui l’embarrassent autant que moi-même. Le voilà donc lui aussi, le seul ami que j’avais, dans le rang des courtisans occupés de mes yeux et de leurs cravates !… Pauvre Henri ! S’il savait à quel point le flirt me déplaît, il ne se donnerait pas tant de mal pour vaincre sa timidité et lever constamment vers moi des yeux qui me donnent envie de rire et de pleurer tout à la fois.

— Tu as peut-être tort de ne pas l’encourager, fit Jeannette qui avait sur ces sortes d’affaires des idées très personnelles. Henri est un joli garçon instruit, distingué, plein d’avenir. Comment peux-tu faire fi de qualités si brillantes ?… Écoute ; je me souviens de ce bal du Gouverneur où nous étions l’an passé. J’entends encore le fils de l’ambassadeur anglais qui insista tant pour te faire danser et qui te reconduisit après la valse auprès de ta mère en disant : « Si l’on me demande un jour ce que j’ai vu de plus admirable dans mes voyages, je me rappellerai ces instants du bal où il me fut donné de contempler à l’aise