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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

les plus beaux yeux du Canada !… » Je te verrai là toute ma vie ! Tu l’as regardé d’une manière telle que le pauvre garçon a craint certainement d’avoir dit une sottise. Et tu es la même avec tous ! Depuis qu’Henri te fait la cour, il te devient insupportable. Et pourtant, il est si doux, si timide… Si tous tes courtisans, comme tu les appelles, n’étaient pas plus hardis que ce courtisan-là, eh bien ma chère, tu pourrais faire une croix sur le mariage et te préparer à vieillir toute seule, bien tranquille.

— Ainsi tout est pour le mieux, fit Marie-Anna d’une voix lasse.

Elle ajouta, après un instant :

— Parlons d’autres choses, Jeannette ; nous ne nous comprenons pas.

Jeannette très fine, perçut à l’inflexion de ces dernières paroles que son amie était décidément d’humeur sombre et que toute insistance lui causerait une redoublement d’ennui. Elle s’étonnait bien un peu de ces tristesses passagères, des sentiments d’indifférence que Marie-Anna nourrissait à l’endroit de ses adorateurs prodigues d’hommages à sa beauté, mais sa curiosité de jeune fille ne s’exerçait pas à sonder le fond de ces