Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/324

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d’appointement ; et à présent il veut, pour avoir son bois d’avance, que je lui fasse une provision de contrebande, ce que je ne ferai jamais. J’ai deviné tout de suite son dessein à l’air souriant avec lequel il m’a abordé. Mais je lui ai dit aussitôt son fait. Je le lui ai dit encore au sujet de Mila ; car j’ai pitié de ce pauvre garçon et de Christine aussi.

Passant ce matin près de l’auberge j’y suis entré pour prendre un verre de bière ; j’ai été effrayé de la mauvaise mine qu’a Christine. Et il l’a sur la conscience ce vilain maud… Le chasseur arrêta son mot en se frappant sur la bouche. Il venait de se rappeler que c’était à côté de grand’mère qu’il était assis.

« Qu’est-il donc arrivé ? » demanda Beyer, et grand’mère s’empressa de lui raconter l’histoire de l’enrôlement de Mila avec ce qui en avait été la cause.

« C’est ainsi qu’il en va dans le monde. De quelque côté qu’on s’y tourne, on n’y rencontre que souffrance et misère, parmi les grands comme parmi les petits, et celui qui n’y a pas de chagrin, s’en fait. Ces paroles furent de M. Beyer.

C’est par l’infortune et par la douleur, que l’homme se purifie, ainsi que l’or par le feu, de toutes ses scories.

Il n’y a pas de joie sans douleur. Si je savais un moyen de venir en aide à cette bonne fille, je le saisirais avec plaisir, mais c’est impossible. Il faut qu’elle souffre et qu’elle attende. Je pense que le jour de demain sera terrible pour elle jusqu’au départ de Mila.