Aller au contenu

Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LIVRE PREMIER,t)fdes lieux émanciper leurs feruiteurs 5 8c leur donner puiflance de porterbonnet , qui eftoit 1 ancienne marque derefclauenouuellementafran-tçchi,pour cacher fa tefte pelee, iufques à ce que les cheueux luy fuflet re-uenus.Qui donna occaf ion a Brutüs après auoir tue Cæfàr, de faire bat- i.iwintit* A j ,, ^tre1 la monnoy eau bonnet, comme ayant afranchi le peuple Romain.tinNr^L » * S O8c après la mort de Néron * le menu peuple alloit par les rues portanttone-tuïyô €£bonnets5 en tefte, en figne de liberté. Et le Roy Eumenes vint en Ro- >me après la mort de Mithridates,& entrant au fenat auec bonet, aduouatenir fa liberté du peuple Romain. Or combien que les feruiteurs do-meftiques ne foient point efclaues, 8c qu’ils puifl’ent faire touts ades deliberté, foit en iugemerit, foit hors iugemeilt : fl eft-ce qu’ils ne font pascomme fimples mercenaires,ou gaigne-deniers à la iournee,fus lefquelsceluy quilesalouez n a pouuoir, ny commandement, ny corredionquelconque, comme le maiftre a fus les feruiteurs domeftiques, quidoibuent feruice, honneur, 8c obeiffance au maiftre tant qu’ils font enfa maifon, 8c les peut chaftier 8c corriger auec difcretion 8c modération.Voila en trois mots la puiflance du maiftre enuers les feruiteurs ordinai¬
res, car nous ne voulons pas icy entrer aux reigles morales, du compor¬
tement des vns enuers les autres. Mais quant aux efclaues,il y a deux dif-
ficultez,qui ne font point encores refolues.La premiere eft à fçauoir fi la
feruitude des efclaues eft naturelle,& : vtile,ou contre nature.La féconde
quelle puiffance doibt auoir le fèigneur fusl’efclaue. Quant au premier InPoIic
point Ariftote 4 eft d’aduis que la feruitude des efclaues eft de droit na¬
turels pourlapreuue, Nous voyons, dit-il, les vns naturellement faits
a feruir,& obeinles autres à commander, 8c gôuuerner. Mais les lurik Çt* u/bJL^
confultes, qui ne sarreftent pas tant aux difcours des Philofophes, qu’à
l’opinion populaire, tiennent que la feruitude eft droi&ement contre
nature, 8c font tout ce qu’ils peuuent pour maintenir la liberté, contre ^lhI^[ta*,de fta“1tobfcurité,ou ambiguité des loix,des teftaments* des arrefts des con-
trads,& quelquesfois il n y aloy,ny teftament qui ti en e, qu’on ne don¬
ne coup al vn,& al autre,pouraffrâchirl’efclaue, comme 011 peut voir g ^ imc. }
en tout6 le droit. & s’il faut que la loy tienne,fi eft-ce que le lurifconful- proxime de iis qüi
te fait cognoiftre toufiours que Facerbitéd’icelle contre les efclaues luy neclegibutviium
deplaift7,1 appellant dure & cruelle.De ces deux opinions, il faut choi-
firlameilleure.il y a beaucoup d’apparence,pour fouftenir que laferui- p^.rsfauorcIU
tude eft vtile aux Républiques^ qu’elle eft naturelle. Car toute chofè 7-i-pr°rt>cxif.qui
contre nature nepeut eftre de longue duree : &fîon vient àforcerlâ &a
nature elle retournera toufiours en ion premier eftat, comme 011 voit
euidemmét en toutes chofes naturelles. Or eft-il que la feruitude a prins
fon origine foudain après le deluge,& aufli toft qu’on a commencé d’a~
uoii quelque forme de Republique, 8c depuis a toufiours continué : 8c
laçoit que depuis trois ou quatre cens ans elle a difeontinué en quel¬
ques lieux, fi eft-ce quon la voit retourner. Et mefmes les peuples