LIVRE PREMIER.t3 ?que la fcruitudc ne uft pas duré fi longuement ,fi elle euft efté contre na- ture :cela eft bien vray es chofes naturelles , qui de leur propriété fuyuét l’ordonnance de Dieu immuable-.mais ayant donné à l’homme le chois du bien ôc du mal,il contreuient le plus fouuent à la defenle, ôc choifift le pire contre la loy de Dieu &de nature-Et l’opinion deprauee en luy a tant de pouuoir,qu’elle paffe en force de loy,qui a plus d’autorité que la nature,de forte qu il ny a fi grande impieté,ny mechanceté,qui ne (oit eftimee, ôc iugee vertu & pieté, ie n en mettray qu vn exemple. On fçaitaffez qu’il n’y a chofe plus cruelle ny plus deteftable , que de Édi¬ fier les hommes , ôc toutesfois il ny a quafi peuple qui n’en aye ainfi vfé, ôc tous ont couuert cela du voile de pieté par plufieurs fiecles, voi¬ re iufques ànoftreaage toutes les Iiles Occidentales l’ont ainfi pratiqué : /t, ôc quelques peuples fus la riuiere de la Plate en vfent encores : corn- me les Thraces auffi, par charité ÔC pieté , auoyent accouftumé de çyf ^ tuer leurs peres ôc meres caffez de vieilleffe , ôc de maladie , ôc puis après les mangeoyent, affin qu’ils ne fuffent pafture aux vers,com¬ me ils refpondirent au Roy de Perfe. Et ne faut pas dire qu’il n y ait que les anciens Gaulois, qui facrifiaffentles hommes ce qu’ils ont fait4tiufques à Tibere f Empereur : car long temps au parauant les Amor- ncaliki^cfcero’ riens ° ôc Ammonites, ôc depuis encores Agamemnon , facrifioyent fofomcio.rim. leurs enfans : ôc prefque touts les peuples y alloyent comme à l’enui o. sapienri*eap.j.Ilt1 t.1t.sy i o v j-.Hutar.in The.voire les plus humains ôc mieux policez : carJ Themiltocle, ôc Xer- *. piutar.cod.&m n ,s xes6 Roy de Perfe, immolèrent les hommes, F vn trois, l’autre dou- 4ftoxc“c’t^ze en mefine temps : ce qui eftoit tout commun, dit Plutarque, ent^toute la Scythie. ôc anciennement,ditVarron,en toute l’Italie, & en la Grece , foubs vmbre d’vn oracle portant le motqui fignifie homme & lumière, fi ;on nymet l’accent, qui monftre bien qu’il ne faut pas mefurer la loy dénature auxa&ions des hommes, quoy que elles foient inueterees : ny conclure pour cela que la feruitude des efcla- ues,foit de droit naturel. & encores moins y a de chanté de garder les captifs,pour en tirer gain, ôc profit comme de beftes. Et qui eft celuy qui efpargne la vie du vaincu, s’il en peut tirer plus de profit en le tuant, quen luy fauuantla vie ?De mil exemples ie n’en mettray qu’vn. Au fiege de Hierufalem foubs laconduitte de Ve{pafian,vn foldat Romain ayant aperceu de For és entrailles d’vn lu if, qu’on auoit tué, en auertit fes compagnons, lefquels bien tofteouperent la gorge à leurs prifon-t^niers, pour fçauoir s’ils auoyent auallé leurs efcuz, &en fut tué en vnt^moment plus de7 vint mil. O la belle charité ! Encores dit-on qu’on les 7. m bcIÎ0 ^ J * ^ nourrift,& quon les traitebie pour quelque feruice.mais qu’elle nour- Q aic°’.t* jf*riture, quel feruice ! Caton le cenfeur,eftimé le plus homme de bien de fon aage, après auoir tiré tout le feruice qu’il pouuoit8 de fes efclaues, ^^r^ Cato" iufques a ce qu’ils fuffent recruds de vieilleffe, il les vendoit au plus of-t^ n