Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/58

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3gtDE LA REPVBLIQVEfrant , pour arracher encores ce profit du prix de leur fang, qui leur re~
ftoit, Ôc pour euiter à la defperçfe, de forte que les pauures efdaues pour
recompenfe de touts leurs feruices , eftoyenttraittez à la fourche par
iiouueàux maiftres. encores la mule de Pallas en Athenes eftoit plus
heureufe,par ce quelle viuoit en pleine liberté fans quon ofaft la char¬
ger, ny encheueftrer.Et combien qu’il riy a chofe plus naturelle que le
mariage fi eft-ce qu’il rieftoit pas permis à l’efclaue : de forte que fi Pho-
me franc captif euft eu enfant delà femme legitime, fi le peremouroit
entre les mains des ennemis, quoy que la mere retournait en liberté,oti g ur re ’nefintmoins fën enfant eftoit réputé 0 baftard.Ieme garderay bien de
gnauceqde capû- coucher par e tc rit les cotumelies deteftables qu’on faifoit fouffrir aux c-
Dt-vTfclaues :mais quât à la cruauté,il eft incroyable,ce que nous eri lifons. & :que diroit-onfilamilliefme partie eftoit eferipte. car lesautheurs rien
difent rien,fi Foccafio ne fe p refente : Sc n’auons que les hiftoires des plus
humains peuples quiayenteftéen tout le monde.On leur faifoit labou¬
re oiiumei.ub.r„ rer la terre * enchainez,comme on fait encores en barbarie, Ôc coucher
ésfoffes en tirant les efchelles, comme il fe fait encores en tout l’O-
rient, pour la crainte qu on a de les perdre, ou quils ne mettent le feu
en la maifon,ou qu’ils ne tuent les maiftres. Or pour vn voirre caffé,il y
alloit de leur vie. Et de fait l’Empereur Augufte, foupant en la maifon
Hb devrai de Vedius Pollioii^Vvn des efclaues caffa vn voirre, il riauoit fait que
TtvirgajcxtoÆnsi. cefte faute, comme dit1 Seneque, auffi toft il fut tiré au viuier desmu-r^renes, qu’on nourrifoit de telle viande, lepauure efclaues’en fuit aux
"u’i -- ^ ,-^ieds d’Augufte, le fuppliant qu’il ne fuft pas mangé des poiflons après
qu’on l’auroit tué : car il fe fentoit coupable de mort pour le voirre ca£
fé ;mais l’opinion commune eftoit,que lame des noyez ne tragnettoit
iamais aux champs elyfiens : ou qu’ellemouroit auec le corps : comme
o■ in epîftoiis qui Synefius ° eferit de fes compagnons,lefquelsvoyans l’orage impetueux
verfum vbi vfus eft fus la mer,tirerent leurs dagues affin de fe couper la gorge, ôc faire fortir
de’animi demerfi l’ame de peur quelle ne fuft noyee. ainfi le pauure efclaue craignoit
hominis quo iigni cfbrc mangé des poiffons. Augufte efmeu de pitié, dit Seneque,fift catficare voluit planetOt1t*ti»i ninterüfTe. 1er tous les voiiTes, ôc combler le viuier. mais Dion21 hiltorien racom-
ptant la mefme hiftoire, dit tout le contraire, que Augufte ne peut
obtenir de Pollion la grâce de l’efclaue, ôc ne dit point qu il fift com¬
bler le viuier : ioint auffi que Seneque dit, qu’il ne laiffa pas de faire
bonne chere auec fon hofte. Et pour monftrer que ce rieftoit rien
de nouueau, plus decent ans au parauant, Quintus ° Flaminius fena-
TitiFiaminij. yteur Romain fift tuer Tvn de fes efclaues, fans autre caufe que pour
^ cornplaire a f°n bardache , qui difoit riauoir iamais veu2ttuer d’homme. Or s’il aduenoit que le maiftre fuft tué enfàmaifon^t’tpar qui que ce fuft,on faifoit mourir tous fes efclaues, comme il aduinjpour le meurtre dePedanius grâdPreuoft de Rome quâd il fut quefti$deo. Plutar.invita
TitiJe,