Page:Bois - L'Île d'Orléans, 1895.djvu/132

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voilà donc réduites à la mesme misère que vos pauvres Hurons, pour qui vous avez eu des compassions si tendres.

« Vous voilà sans patrie, sans maisons, sans provisions et sans secours, sinon du Ciel, que jamais vous ne perdrez de veuë. Nous sommes entrez icy dans le dessein de vous y consoler, et autant que d’y venir, nous sommes entrez dans vos cœurs, pour y reconnoistre ce qui pourrait davantage les affliger depuis vostre incendie, afin d’y apporter quelque remède. Si nous avions affaire à des personnes semblables à nous, la coustume de nostre pais eust esté de vous faire vn présent pour essuyer vos larmes, et vn second pour affermir vostre courage ; mais nous avons bien veu que vos courages n’ont iamais esté abattus sous les ruines de cette maison, et pas de nous n’a pu voir mesme vne demy larme qui ait paru dessus vos yeux pour pleurer sur vous mesme à la veuë de cette infortune. Vos cœurs ne s’attristent pas dans la part des biens de la terre, nous les voyons trop eslevez dans les désirs des biens du Ciel ; et ainsi de ce costé là nous n’y cherchons aucun remède. Nous ne craignons rien qu’vne chose qui serait vn malheur pour nous ; nous craignons que la nouvelle de l’accident qui vous est arrivé, estant porté en France, ne soit sensible à vos parens plus qu’à vous-mesmes ; nous craignons qu’ils ne vous rappellent et que vous ne soyez attendries de leurs larmes.

« Le moyen qu’vne mère puisse lire, sans pleurer, les lettres qui luy feront sçauoir que sa fille est demeurée sans