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LE SABBAT

lier vêtu de noir, dont la jument sombre piaffe des étincelles ? C’est la nuit[1], une nuit d’hiver précoce, neuf heures à peine, nuit du jeudi ou du lundi ou du mardi, du vendredi ou du samedi, jamais du dimanche, car il a été annonçé : « Tu ne seras pas au Diable et au Seigneur à la fois. » Les ais des portes se plaignent, l’hôte approche, le vent qui l’entraîne hurle, annonciateur. L’onguent dont s’est frotté l’adepte, en s’écriant : Emen-Hétan, Emen-Hétan (ici et là), son imagination surtout, l’influx démoniaque aussi le marinent dans une sueur froide et épaisse, prodrome de l’extase solitaire ou du départ mystérieux. Manants et grands seigneurs, d’envie, grillent dans leur peau. Les prisonniers, dont le diable est le consolateur, soupirent d’aise, ils vont être enfin pour quelque heures délivrés. Le bon Frère, ami des forbans, les vient avertir, ouvre la fenêtre, descelle les barreaux. Toujours tant de pris sur le châtiment, une bouffée d’air libre sentant le soufre. Ah, celui qui, perçant ces toits maléfiques des villes vouées à la folie nocturne, regarderait en ces chambres dévastées par l’apprêt du sabbat, qu’il s’ébahirait de la multiple, de l’incohérente, de la miraculeuse fuite ! Il en est qui bondissent et, jambes nues, étreignent, presque voluptueusement, le petit bâton blanc ; l’air, par un phénomène de lévitation satanique, les emporte, tirés dans les plaines bleues et vides par l’outre du diable, cette mongolfière invisible ; d’autres subissent l’emprise brutale du maître ;

  1. Quelquefois c’est le jour, à midi, l’heure de la sieste, quand la digestion travaille, quand les désirs impurs s’insurgent. Le démon de midi est en somme le démon du solitaire, du savant, du moine. Le roi David en avait connu l’assaut.