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LE SABBAT

La foule moins subtile, plus pratique, ne s’associe pas à l’hallucination, ne profite pas de la belle voiture de ces reins formidables où s’entassent les saints de l’affreuse synagogue ; la foule (bohémiens, paysans, cheminots, bateleurs, mauvais clercs), va sur ses pieds, patauge dans l’ombre, roule, longue chenille, dans les chemins peu connus, loin de la police, loin des graves ou des timides hommes, s’enfonce vers la lande, la forêt, l’église en ruines, l’autel du mal. Ils portent des pelles, des vaisseaux de cuivre (ou d’argent pour mieux solenniser la fête), plient sous le faix de tentes, de provisions extraites de sépulcres, s’arment des saints instruments du sacrilège, traînent dans des cages les bêtes complaisantes, la ménagerie du diable.

Les ondes de la nuit s’ébranlent au double courant terrestre et aérien. Là-haut sous la triple Hécate, ce sont rafales d’humanité, étoiles filantes de chair, nuages de toisons noires, rames de bras s’agitant entre des poupes et des proues qui sont des têtes ou des croupes, foudres qui sont des ventres, tonnerres qui sont des cris… En bas grouille la canaille, l’ordure putréfiée des amours, la fiente des haines, la fourmilière vorace des incestueux, des débauchés, des curieux, des misérables, des vagabonds des infirmes, des assassins…

Au loin, sur la tour, qui veille, rigide et chantonnante, pareille à une lampe et à un glas ? La Reine du Sabbat elle-même, la belle vieille, la malicieuse inféconde, aux flancs ignominieux, la vestale infâme, celle que les sept vices stigmatisèrent de sept purulences ; l’oriflamme de sa chevelure bat à son front de rouges ailes ; elle condense au magique miroir la fournaise de ces âmes nomades