Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/161

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paix rétablies, etc. Vous savez la musique que je fais quand je traite ces sujets. Elle fut si belle ce jour-là que je n’ai pas besoin de vous en dire davantage ; vous devez l’avoir entendue d’Athènes[1]. » Il n’est pas possible de se moquer de soi plus gaiement. Atticus payait ces confidences par la peine qu’il se donnait pour les succès des œuvres de son ami. Comme il les avait vues naître, et qu’il s’était occupé d’elles avant qu’elles fussent connues du public, il se regardait presque comme leur père. C’est lui qui se chargeait de les lancer dans le monde et de les faire réussir. Cicéron dit qu’il s’y entendait à merveille, et cela ne nous surprend pas. Le moyen qu’il employait le plus souvent pour en donner une bonne opinion, était d’en faire lire les plus beaux endroits par ses meilleurs lecteurs aux gens d’esprit qu’il réunissait à sa table. Cicéron, qui connaissait la frugalité ordinaire de ses repas, le prie de s’en départir un peu pour ces circonstances : « Ayez soin, lui écrit-il, de bien traiter vos convives, car, s’ils avaient quelque humeur contre vous, c’est sur moi qu’ils la déchargeraient[2]. »

Il était naturel que Cicéron lui sût un gré infini de tous ces services ; mais ce serait le mal juger que de supposer qu’il ne s’était attaché à lui que pour les profits qu’il en tirait. Il l’aimait véritablement, et toutes ses lettres sont pleines des témoignages de la, plus sincère affection. Il n’était heureux qu’avec lui ; il ne se lassait jamais de le fréquenter ; à peine l’avait-il quitté qu’il souhaitait ardemment le revoir. « Que je meure, lui écrivait-il, si non seulement ma maison de Tusculum, où je me trouve si bien, mais les îles Fortunées pourraient me plaire sans vous ![3] » Quelque plaisir qu’il éprouvât à être fêté, applaudi, caressé, à avoir autour de lui des

  1. Ad Att., I, 14.
  2. Ad Att., XVI, 3.
  3. Ad Att., XII, 3.