Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nement qui lui convint mieux. Le séjour d’Athènes, de tout temps agréable aux riches Romains, devait l’être plus encore en ce moment, où cette ville servait d’asile à tant d’illustres exilés. En même temps que Sulpicius avait le plaisir d’entendre les rhéteurs et les philosophes les plus célèbres du monde, il pouvait causer de Rome et de la république avec de grands personnages comme Marcellus et Torquatus, et satisfaire ainsi tous ses goûts à la fois. Il n’y avait rien qui dût plaire davantage à ce savant et à ce lettré, dont le hasard avait fait un homme d’État, que l’exercice d’un pouvoir étendu, mais sans péril, mêlé aux jouissances les plus délicates de l’esprit, dans un des pays les plus beaux et les plus grands du monde. César l’avait donc servi à souhait en l’envoyant par devoir dans cette ville où les Romains allaient ordinairement par plaisir. Nous ne voyons pas cependant que Sulpicius ait été sensible à ces avantages. À peine arrivé en Grèce, il est mécontent d’y être venu, et il lui tarde d’en sortir. Évidemment ce n’était pas le pays qui lui déplaisait, il ne se serait pas trouvé mieux ailleurs ; mais il regrettait la république. Après l’avoir si timidement défendue, il ne pouvait se consoler de sa chute, et il se reprochait de servir celui qui l’avait renversée. Ces sentiments éclatent dans une lettre qu’il écrit de Grèce à Cicéron. « La fortune, lui dit-il, nous a enlevé les biens qui devaient nous être les plus précieux, nous avons perdu l’honneur, la dignité, la patrie. Au temps où nous vivons, ceux-là sont les plus heureux, qui sont morts[1]. »

Quand un homme timide et modéré comme Sulpicius osait parler ainsi, que ne devaient pas dire et penser les autres ! On le devine lorsqu’on voit de quelle sorte Cicéron écrit à la plupart d’entre eux. Quoiqu’il s’adresse a des fonctionnaires du gouvernement nouveau, il ne prend

  1. Ad fam., IV, 5.