Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/377

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curie de Pompée, où il venait de tuer César, il parcourut les rues de Rome en criant : « La paix ! la paix ! » Et ce mot fut désormais sa devise. Quand ses amis, apprenant les dangers qu’il courait, étaient venus des municipes voisins pour le défendre, il les avait renvoyés. Il aimait mieux se tenir renfermé dans sa maison que de donner aucun prétexte de commencer les violences. Forcé de quitter Rome, il resta caché quelque temps encore dans les jardins du voisinage, inquiété par les soldats, ne sortant que de nuit, mais attendant toujours ce grand mouvement populaire qu’il s’obstinait à espérer. Personne ne remua. Il s’éloigna encore davantage et alla se réfugier dans ses villas de Lanuvium et d’Antium. De là il entendait les bruits de guerre dont retentissait l’Italie, et il voyait tous les partis se préparer à combattre. Seul il résistait toujours. Il a passé six mois entiers à reculer devant cette nécessité terrible qui devenait tous les jours plus inévitable. Il ne pouvait se résoudre à l’accepter et prenait l’avis de tout le monde. Cicéron raconte même, dans ses lettres[1], une sorte de conseil qui se tint à Antium pour savoir ce qu’il convenait de faire. Servilie y assistait avec Porcia, Brutus avec Cassius, et on y avait appelé quelques-uns des amis les plus fidèles, parmi lesquels Favonius et Cicéron. Servilie, plus soucieuse de la sûreté que de l’honneur de son fils, voulait qu’il s’éloignât. Elle avait obtenu d’Antoine, qui était resté son ami, pour son fils et son gendre, une légation, c’est-à-dire une commission pour aller chercher du blé en Sicile. C’était un prétexte spécieux et sûr pour quitter l’Italie ; mais partir avec une permission signée d’Antoine, accepter un exil comme un bienfait, quelle honte ! Cassius ne voulait pas y consentir, il parlait avec emportement, il s’indignait, il menaçait, on aurait dit

  1. Ad Att., XV, 11.