Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/378

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qu’il ne respirait que la guerre. » Brutus au contraire, calme, résigné, interrogeait ses amis, décidé à les satisfaire, même en risquant sa vie. Souhaitait-on qu’il retournât à Rome ? Il était prêt à s’y rendre. À cette proposition, tout le monde se récriait. Rome était pleine de périls pour les conjurés, et l’on ne voulait pas exposer sans profit les dernières espérances de la liberté. Alors que faire ? On ne s’entendait guère que pour regretter amèrement la conduite qu’on avait tenue. Cassius déplorait qu’on n’eût pas tué Antoine, comme il l’avait demandé, et Cicéron n’avait garde de le contredire. Malheureusement ces récriminations ne servaient de rien ; il ne s’agissait pas de se plaindre du passé, le moment était venu de régler l’avenir, et l’on ne savait à quoi se résoudre.

Après cette conférence, Brutus ne se décida pas encore tout de suite. Il persista à rester tant qu’il le put dans sa villa de Lanuvium, lisant et discutant, sous ses beaux portiques, avec les philosophes grecs, sa société ordinaire. Cependant il fallut partir. L’Italie devenait de moins en moins sûre, les vétérans infestaient les routes et pillaient les maisons de campagne. Brutus alla rejoindre à Vélie quelques vaisseaux qui l’attendaient pour le conduire en Grèce. Il appelait son départ un exil, et, par une dernière illusion, il espérait que ce ne serait pas le signal de la guerre. Comme Antoine l’accusait de la préparer, il lui répondit, au nom de Cassius et au sien, par une lettre admirable dont voici la fin : « Ne vous flattez pas de nous effrayer, la crainte est au-dessous de notre caractère. Si d’autres motifs étaient capables de nous donner quelque penchant pour la guerre civile, votre lettre n’est pas faite pour nous l’ôter, car les menaces ne peuvent rien sur des cœurs libres ; mais vous savez bien que nous détestons la guerre, que rien ne pourra nous y entraîner, et vous prenez sans doute