Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/397

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vinces à peine, partent du même ton que s’ils commandaient à l’univers entier, et il entre, dans leurs mensonges les plus grossiers, une incroyable dignité. Si l’on veut donc éviter d’être dupe en étudiant les monuments de l’histoire romaine, il est bon de se tenir en garde contre cette première impression qui peut tromper, et de regarder les choses de plus près.

Bien que l’inscription que nous étudions porte pour titre : « Tableau des actions d’Auguste, » ce n’est pas véritablement toute sa vie qu’Auguste a voulu raconter. Il y a de grandes lacunes, et qui sont très volontaires : il ne tenait pas à tout dire. Lorsqu’à soixante-seize ans, au milieu de l’admiration et du respect de tout le monde, le vieux prince jetait les yeux sur son passé pour en tracer le résumé rapide, il y avait bien des souvenirs qui devaient le gêner. Il n’est pas douteux, par exemple, qu’il n’éprouvât une grande répugnance à rappeler les premières années de sa vie politique. Cependant il fallait bien qu’il en dît quelque chose, et il était plus prudent encore de chercher à les dénaturer que de garder sur elles un silence qui risquait de faire beaucoup parler. Voici comment il s’en tire. « À l’âge de dix-neuf ans, dit-il, j’ai levé une armée par ma seule initiative et à mes frais ; avec elle, j’ai rendu la liberté à la république dominée par une faction qui l’opprimait. En récompense, le sénat, par des décrets honorables, m’admit dans ses rangs, parmi les consulaires, me conféra le droit de commander les troupes, et me chargea avec les consuls C. Pansa et A. Hirtius de veiller au salut de l’État, en qualité de propréteur. Les consuls étant tous les deux morts la même année, le peuple me mit à leur place, et me nomma triumvir pour constituer la république. » Dans ces quelques lignes, qui sont le début de l’inscription, il y a déjà de bien singulières réticences. Ne dirait-on pas, en vérité, qu’il a obtenu toutes les dignités qu’il