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Un Vaincu.

sure encore ouverte entre les deux armées de Grant et de Sherman, prêtes à se rejoindre ; s’il réussissait à passer, il gagnerait la Caroline du Nord, puis les montagnes et, attirant à lui les forces fédérales, il opérerait une diversion qui, du moins, retarderait la chute de la Confédération et permettrait de négocier. Mais le passage serait-il ouvert encore ? Il fallait se hâter, et pour ne pas perdre un moment, renoncer à faire les vivres sur la route.

L’armée se résigna. Pendant trois jours de marche, elle sut vivre sur les rations d’une journée ; elle sentait qu’elle échappait, et cette pensée lui donnait l’énergie de supporter la faim. Quelques corps de cavalerie nordiste essayèrent de l’arrêter, ils furent rapidement culbutés ; l’infanterie, heureusement, ne paraissait pas, elle était distancée ; on allait trouver des vivres à Amélia ; le jeûne actuel, la pluie, la boue, la douleur d’une retraite, tout serait oublié.

Le soir du troisième jour, les troupes affamées saluèrent avec des cris de joie la ligne du chemin de fer de Danville, la station d’Amélia