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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

plaçait deux pièces en batterie, et je suivais, une lunette à la main, les ondulations de la ligne de fumée blanche qui indiquait les positions de l’ennemi. Elle fléchissait quelquefois, mais pour avancer bientôt d’autant plus vite vers nous. Je cherchais, avec une angoisse que tu peux comprendre, à reconnaître le poil sombre de Stanley, mais c’était en vain.

Vers dix heures, j’ai assisté ainsi à l’une de ces belles choses du métier de la guerre auxquelles le plus pacifique des hommes, s’il a été une fois soldat, ne peut rester insensible : nos troupes pliaient, la garde nationale, tenue jusqu’alors en réserve, s’attendait à marcher, quand les nouvelles pièces qu’on avait montées récemment aux embrasures des forts commençèrent à tirer. De mon poste, je voyais les vides se faire dans les files ennemies, leur marche se ralentit ; pendant ce temps nos troupes remettaient en position l’artillerie de campagne et reprenaient l’offensive. Avec un élan, d’autant plus beau qu’il succédait à un mouvement de recul, nos régiments, mobiles et lignards, ont ramené à leur tour les Allemands, non seulement tant que le feu des forts les a soutenus, mais jusqu’aux villages précédemment abandonnés. Ils ne leur ont pas laissé le temps de s’établir dans les maisons et bientôt j’ai pu voir, au-delà, nos lignes se reformer au pied des collines, puis les gravir au pas de course. Le feu plongeant des Prussiens ne réussit pas à les arrêter et, à quatre