Page:Boissy-Oeuvres de Théâtre de M. Boissy. Vol.2-1773.djvu/181

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Par leur état présent mes pas sont retenus.
Tous deux sont consumés d’une langueur obscure,
On en peut d’autant moins pénétrer la nature,
Qu’ils ne rompent jamais un silence fatal.

MONTVAL.

Mais leur tristesse a-t-elle un caractere égal ?

LA MARQUISE.

Non, elle est différente, autant qu’elle est profonde.
La douleur de mon frere est noire & toujours gronde.
Le chagrin de ma niece est plus attendrissant.
S’il éclate à nos yeux, ce n’est qu’en gémissant.
Dans son abbattement elle a même des charmes.
On se sent jusqu’au cœur pénétré de ses larmes.

MONTVAL.

Le seul récit sur moi produit le même effet.
J’ai peine à retenir les miennes en secret.
J’ai, quoique Médecin, l’ame infiniment tendre.
Mais pour vous consoler, je veux bien vous apprendre
Que déjà je démêle, & suis prêt à saisir
La cause de son mal.

LA MARQUISE.

La cause de son mal.Pourrez-vous l’en guérir ?

MONTVAL.

J’y compte, je puis même en faire la promesse,
Pourvu que vos bontés secondent mon adresse.
Madame, c’est de là que dépend le succès.
Me le promettez-vous ?

LA MARQUISE.

Me le promettez-vous ?Oui, je vous le promets.

MONTVAL.

Je n’en réponds au moins que sur votre parole :
Tenez-la bien ; mon art ne sera pas frivole.

LA MARQUISE.

Je donnerois mon sang pour conserver ses jours.
Parlez, que faut-il faire, & quel est le secours ?