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Page:Boissy-Oeuvres de Théâtre de M. Boissy. Vol.2-1773.djvu/182

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MONTVAL.

Madame il n’est pas tems encor de vous le dire.
Je dois auparavant la voir seule & m’instruire
Par ses propres discours si j’ai bien rencontré.
Par ses regards encor je veux être éclairé ;
Et pour rendre aujourd’hui sa guérison plus sûre,
Je veux sur sa présence asseoir ma conjecture.

LA MARQUISE.

Je vous ménagerai près d’elle un entretien.
Et mon frere, Monsieur, vous ne m’en dites rien ?
Ce silence m’alarme, & fait mourir ma joie.

MONTVAL.

Pour en raisonner juste, il faut que je le voie.

LA MARQUISE.

C’est la difficulté. Sa chambre est comme un fort
Qu’on ne peut pénétrer par art ni par effort.
Vous êtes Étranger. Sur ce titre peut-être
Il sera moins sauvage, & voudra vous connoître.
Il a beaucoup d’égards à cette qualité.
Tout ce qui vient de loin est par lui respecté.
Ce passe-port lui seul peut vous ouvrir sa porte.

MONTVAL.

Que fait-il donc tout seul, renfermé de la sorte ?

LA MARQUISE.

Mais les trois quarts du temps il lit dans ses accès,
Il brouille du papier, qu’il met en pièce après.
Tantôt il est plongé dans une léthargie,
Et tantôt on diroit qu’il entre en frénésie.
Il menace tout haut, puis tout bas, il se plaint.

MONTVAL.

À juger par ces traits je le croirois atteint
D’un mal contagieux qui court fort cette année.
Si chez lui cette fievre est bien enracinée,
Je la tiens incurable.

LA MARQUISE.

Je la tiens incurable.Ah ! Que dites-vous là ?