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Page:Boissy-Oeuvres de Théâtre de M. Boissy. Vol.2-1773.djvu/186

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LISETTE.

Eh ! l’est-on autrement ? Soyez avec souplesse
Flatteur près de la Tante, & tendre avec la Niece,
Grave devant le Frere, & vous ferez du bruit.

MONTVAL.

Un autre soin, Lisette, occupe mon esprit.
Quel est donc ce Cléon, cet ami de ton Maître ?

LISETTE.

C’est un homme, Monsieur, excellent à connoître.
Riche, sur le retour, garçon & sans parens,
Il fait cas de l’esprit, il chérit les talens ;
Et dès qu’il vous verra, je gagerois ma vie
Qu’il va prendre pour vous une estime infinie ;
Avec lui fortement tâchez de vous lier.
Plût au ciel qu’il vous fît un jour son héritier !

MONTVAL.

Je crains qu’il ne me soit plus nuisible qu’utile,
Le grand empressement qu’il fait voir pour Lucile,
Alarme mon amour.

LISETTE.

Alarme mon amour.C’est un riche barbon.
Vous n’êtes par malheur qu’un cadet de maison.

MONTVAL.

J’hériterai peut-être.

LISETTE.

J’hériterai peut-être.Ah ! frivole espérance !
De quoi sert le savoir ? À quoi bon la naissance,
La figure, l’esprit, les graces, la vertu,
Quand tout cet assemblage est d’argent dépourvu ?

MONTVAL.

Un véritable amour, quand il est réciproque,
Sait suppléer à tout.

LISETTE.

Sait suppléer à tout.Discours dont on se moque.
Un amour mutuel, qui ne manque de rien,
Fait le bonheur parfait ; mais quand il est sans bien,
C’est le comble, monsieur, de toutes les misères.