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Page:Boissy-Oeuvres de Théâtre de M. Boissy. Vol.2-1773.djvu/193

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Pourra, s’il le veut bien, en jouir par dégré.
Ce moyen par l’amour doit être préféré.

MONTVAL.

Quel est donc ce moyen ?

LISETTE.

Quel est donc ce moyen ? Je m’en vais vous l’apprendre.
Dans ce Sallon, Monsieur, Lucile va se rendre,
Pour y continuer votre portrait en grand.
Comme il fait plus obscur dans son appartement,
Cet endroit est toujours celui qu’elle préfere.
La peinture demande un beau jour qui l’éclaire.
Voilà son attelier qu’il faut ici dresser.
Voici votre portrait, & je vais le placer.
Mettez-vous là.

MONTVAL.

Mettez-vous là.Dis-moi, que prétend ta folie ?

LISETTE.

Cacher l’original derriere la copie.
Là, vous aurez, Monsieur, le plaisir ravissant
D’être devant Lucile invisible & présent,
De connoître son cœur par sa douleur profonde,
Et de vous voir pleurer des plus beaux yeux du monde.
Là, vous pourrez goûter l’enchantement nouveau
De voir sa main charmante animer le pinceau,
Vous donner sur la toile une seconde vie,
Y peindre, y caresser votre image chérie,
Sa bouche la baiser dans un tendre transport,
Et vous faire, vivant, jouir de votre mort.

MONTVAL.

J’envie à mon portrait cette faveur suprême,
Et j’aimerois bien mieux en profiter moi-même.

LISETTE.

Vous serez à portée, & ne vous fâchez pas.

MONTVAL.

Donnes-moi ce pinceau que ses doigts délicats
Ont conduit pour orner ma figure brillante :
Qu’en attendant j’y porte une levre pressante.