Page:Boissy-Oeuvres de Théâtre de M. Boissy. Vol.2-1773.djvu/243

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Son absence a pensé lui coûter le trépas.

CLÉON.

Que dois-je faire ? ô ciel !

MONTVAL.

Que dois-je faire ? ô ciel ! Suivre mon ordonnance ;
Prenez, Monsieur, prenez pour guide la prudence.
Signalez vos vertus par un effort nouveau ;
Étouffez sagement l’amour dans son berceau,
Et de deux vrais amans protégez la constance.
Je vous répons, Monsieur, de leur reconnoissance ;
Vous goûterez le bien de faire des heureux.
En est-il un plus grand pour un cœur généreux ?
Le bonheur qui suivra cette gloire infinie,
Va de dix ans au moins vous prolonger la vie.

CLÉON.

Je rougis…

MONTVAL.

Je rougis…Bon, tant mieux. Qui commence à rougir
Tout haut de sa foiblesse, est bien près d’en guérir.

CLÉON.

Je surmonte la mienne, & je sens qu’à mon âge
L’Amour est un écueil, & l’Hymen un naufrage.
Instruisez-en Lucile, & son amant aussi.

MONTVAL.

Il l’est déjà, Monsieur, vous le voyez ici.

CLÉON.

Comment ! seroit-ce vous ?

MONTVAL.

Comment ! seroit-ce vous ? Oui, mon ame ravie
Ne doit plus vous cacher mon état, ma patrie.
Je suis François, Monsieur, la guerre est mon métier,
Et j’ai, depuis quatre ans, l’honneur d’être Officier.
Montval est mon vrai nom. Tout le reste est l’ouvrage
D’un amour qui n’a pas la richesse en partage.