Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/130

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rer le meilleur parti poſſible. — Répondez plus franchement : êtes-vous heureuſe ? — Oui… à peu près… du moins je ne ſuis pas le contraire. — M. de Murville vous aime donc ? — Beaucoup, aſſurément. — Et vous ? — Mais… — Quoi, vous héſitez ! Votre mari ne paroîtroit-il pas fait pour juſtifier vos ſentiments ?

Je n’étois rien moins que préparée à cette attaque, & ne ſavois trop quelles armes j’y devois employer. Cette incertitude me donna de l’humeur, & l’humeur fit l’effet du courage. Non ſeulement j’avouai l’amour que je me croyois pour Murville ; mais je voulus le motiver par l’énumération exagérée de ce qu’il avoit fait pour me plaire, & des qualités que je lui avois reconnues. Epargnez-vous les détails de ſon éloge, dit Mademoiſelle d’Aulnai… Vous êtes récuſable… De plus, il eſt inutile pour décider mon jugement. Nous reſtâmes muettes. J’avois les yeux fixés ſur mon éventail. Ma ſœur promenoit les ſiens ſans rien regarder… Quelles étoient mes tranſes ! Je lui avois donné un ſi beau champ, qu’en retournant ſes batteries du côté de Rozane, elle pouvoit me foudroyer. Il falloit mettre à profit ſa diſtraction, pour la diriger vers un autre objet : je n’y manquai pas.

Ma ſœur, lui dis-je, le moment de liberté