Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/153

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ſerois un des premiers à vous en faire ſubir la juſte humiliation ; mais rien, je vous jure, n’a été plus éloigné de ma penſée. Vous êtes ſage, vous aimez votre mari, vous avez droit à l’eſtime de ceux à qui vous accorderez votre confiance, je le ſais, Madame, & n’en perſiſte pas moins à refuſer cet honneur.

Il ſuffit, dis-je, en doublant le pas pour me ſéparer de lui. Mon erreur étoit excuſable ; un plus long entretien ne le ſeroit pas. Au reſte, je vous ſuis obligée… très-obligée de m’avoir deſſillé les yeux… ſans cela, peut-être… j’allois… Tout eſt dit. Je marchois fore vîte, & croyois ne plus raiſonner qu’avec moi-même. Rozane me ſuivoit de trop près pour ne me pas entendre… Arrêtez, s’écria-t-il ? Que parlez-vous d’obligation ? de… de… Eſt-il bien vrai ?… Suis-je toujours ?… Expliquez cette énigme… Que fais-je !… quelle imprudence !… Non, Madame… non, ne dites rien de plus… Gardez-vous de me donner une dangereuſe lumiere, dont il n’eſt pas en moi de me prévaloir.

Je n’avois jamais eu plus envie d’enfreindre une défenſe que celle du Comte. Ses queſtions, ſon trouble, ſes réticences piquoient ma curioſité : je l’aurois pouſſée ſûrement auſſi loin qu’il m’auroit été poſſible,