Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/169

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une extenſion nouvelle… J’en compoſois le poiſon fatal qui a dévoré mes déplorables jours.

„ Inſenſée ! Loin d’être en garde contre cette diſpoſition, je ne me plaiſois qu’à ce qui pouvoit l’augmenter. Mon ame, qui depuis la mort du meilleur des peres, étoit reſtée vuide des ſentiments aimables de la nature, recevoit, avec raviſſement, l’image du bonheur dont elle pouvoit jouir. Je ſoupirois après cet âge, où notre beauté doit avoir acquis ſa perfection, où l’on nous croit capables d’apprécier les hommages qu’on nous adreſſe.

„ Il arriva, cet âge ſi follement deſiré. J’avois plus de ſeize ans, lorſque je vis paroître le jour où je devois perdre pour jamais le repos de ma vie.

„ Dans un moment où mes compagnes & moi, nous exercions à des jeux, on me ſonna pour le Parloir ; j’y courus, ſans ſavoir qui me demandoit, avec ce petit déſordre de la gaieté, qui double l’éclat de la jeuneſſe : c’étoit ma mere, & celui… Ma main a peine à tracer un nom qui m’a cauſé des émotions ſi délicieuſes… Un nom que j’aurois voulu pouvoir graver dans tous les lieux où ſe portoient mes regards.

„ Je connoiſſois M. de Murville pour