Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/174

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perdois de vue ce qui avoit fait juſques-là mon ſoutien… Chaque jour nous avancions d’un pas, & chaque jour nous nous promettions de ne pas aller plus loin.

„ Je ne ſais s’il cherchoit à me tromper par ſes promeſſes, ou s’il ſe trompoit lui-même ; mais il eſt certain qu’il ne les obſerva pas. Sa témérité augmenta… J’y réſiſtai plus mollement… Elle devint extrême… Séduite par mon penchant, aveuglée par mon inexpérience, je courois vers le précipice où l’on me conduiſoit, & ne me reconnus qu’au moment d’y tomber. La ſurpriſe, la frayeur me firent reculer en arriere… J’échappai des bras de mon amant, & voulus fuir. Il m’atteignit, me retint… La partie n’étoit pas égale… Eperdue, agitée, hors de moi,… j’eus recours aux ſeules armes qui reſtoient en ma puiſſance, à mes pleurs. Arrête, Murville ! m’écriai-je, en me jettant à ſes pieds ; arrête : ne déshonore pas celle à qui tu veux t’unir ; ne la punis pas de ſa confiance en ta probité,… ne l’expoſe pas au malheur affreux de ton mépris… Hélas ! c’étoit l’unique moyen de défenſe qui ſubſiſtoit encore dans mon cœur & dans mon eſprit.