Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/85

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bien naturel que ma préſence lui cauſe quelqu’émotion. Elle nous a vraiment alarmée, dit la Religieuſe, & ce n’étoit pas ſans ſujet : vous voyez comme elle eſt abattue ? Oui, je la trouve changée, répondit Madame de Rozane ; il ſemble même qu’elle ait pleuré. A cette remarque je baiſſai la tête, pour qu’on ne la pouſſât pas plus loin. Eh bien, mon enfant, tu ne veux donc pas me parler ? demanda la Marquiſe, en paſſant une de ſes mains à travers la grille. Je pris cette main, je la baiſai ; mais mon cœur ſe ſerra, & je fondis en larmes. Voilà une petite vapeur bien conditionnée ! s’écria-t-elle : Mademoiſelle, je n’aime point du tout cette gentilleſſe ; ſans doute que l’ennui de la retraite en eſt cauſe ; & je conſens d’en abréger la durée, à la ſollicitation de Madame ; mais tâchez de n’apporter chez moi qu’une humeur & une figure convenables : vous réuſſiriez mal avec celles que vous avez aujourd’hui. Mes pleurs, mon ſilence continuèrent ; Madame de Rozane s’impatienta, leva les épaules, & prit congé de la Supérieure, en la raſſurant ſur les ſuites de mon indiſpoſition.

J’annonçai à ma ſœur notre prochaine ſéparation, avec des ſentiments bien différents de ceux que j’avois eus à la premiere. De tous les lieux du monde, lui dis-je,